Le bouturage est une technique de multiplication végétative connue depuis des siècles. Elle consiste à prélever un fragment de plante, le plus souvent une tige, et à le mettre dans des conditions favorables pour qu’il développe de nouvelles racines. Contrairement au semis, qui produit une plante génétiquement unique, le bouturage permet d’obtenir un nouveau pied identique à la plante mère. C’est un moyen efficace de préserver les qualités d’une variété tout en augmentant rapidement le nombre de plants disponibles.

Au domaine, nous avons choisi d’utiliser le bouturage pour plusieurs espèces phares de nos jardins : la verveine, la lavande, la sauge, le romarin, l’hysope, le rosier et l’hélichryse italienne. Ces plantes aromatiques et médicinales sont appréciées autant pour leurs usages médicinaux et culinaires que pour leur beauté au jardin. Bouturer dès aujourd’hui, c’est préparer les jardins de demain : dans deux ans, les boutures auront grandi et se transformeront en belles plantes, prêtes à être utilisées pour la production ou à être proposées à la vente.

Comprendre le bouturage

Pour réussir un bouturage, il est essentiel de respecter le cycle de vie de la plante. Selon la saison et le stade de maturité du bois, on distingue plusieurs types de boutures :

  • Bouture à bois sec : réalisée en hiver sur du bois totalement au repos. Exemple : certains rosiers anciens.
  • Bouture herbacée : réalisée sur des tiges tendres, au printemps ou en été. Exemple : verveine.
  • Bouture semi-ligneuse : effectuée sur des rameaux partiellement durcis, généralement en été ou début d’automne. Exemple : lavande, romarin, sauge, hysope, hélichryse.
  • Bouture ligneuse : prélevée sur des rameaux durcis, souvent en automne. Exemple : rosier.

Quelle que soit la méthode, les gestes de base restent les mêmes. On choisit une tige saine, que l’on coupe sous un nœud à l’aide d’un outil propre et bien aiguisé. Les feuilles du bas sont retirées pour éviter l’évaporation excessive et les risques de pourriture. La tige est ensuite plantée dans un substrat léger et drainant, composé par exemple d’un mélange de sable et de terreau. L’humidité doit être maintenue de façon régulière, sans excès d’eau, et les jeunes boutures doivent être placées à l’abri du soleil direct. Le jardinier surveille leur évolution, retire les feuilles abîmées et attend patiemment l’apparition de nouvelles racines.

Nos plantes en cours de bouturage

La verveine odorante

La verveine odorante, avec son parfum citronné si caractéristique, est l’une des plantes les plus simples à multiplier. Une tige de quelques centimètres, placée dans l’eau ou dans un pot de substrat léger, développe rapidement des racines. C’est une plante fragile au froid, mais le bouturage permet d’en conserver plusieurs exemplaires d’une année sur l’autre et d’assurer une belle densité dans les jardins.

La lavande

La lavande demande plus de précision. Nous la bouturons en fin d’été, au moment où les rameaux de l’année commencent à durcir tout en gardant une certaine souplesse. Ce stade semi-ligneux est idéal pour l’enracinement. La lavande est une plante qui apprécie le soleil et les sols drainants, et ses boutures ont besoin d’un substrat léger, presque sablonneux, pour éviter toute stagnation d’eau.

La sauge

La sauge officinale suit le même principe que la lavande. Les rameaux semi-ligneux, non fleuris, prélevés en été, reprennent facilement si l’on garde une atmosphère douce et une humidité régulière. Cette plante est précieuse à la fois en cuisine, en infusion et dans la pharmacopée traditionnelle, ce qui explique son importance dans nos collections.

Le romarin

Le romarin est un champion du bouturage. En fin d’été, il suffit de prélever des extrémités semi-ligneuses et de les planter dans un sol bien drainé. La technique du « talon », qui consiste à arracher la pousse avec un petit morceau de bois plus ancien, augmente encore les chances de réussite. Le romarin est robuste et, une fois enraciné, il devient un arbuste solide qui demande peu d’entretien.

L’hysope

L’hysope, plante plus discrète mais très intéressante sur le plan médicinal, se multiplie également par boutures semi-ligneuses en été. Elle réclame beaucoup de lumière et un substrat bien drainé. En respectant ces conditions, elle forme rapidement de nouvelles touffes parfumées qui trouveront leur place dans nos massifs.

Le rosier

Les rosiers, qu’ils soient anciens ou modernes, se bouturent de deux manières. En été, les rameaux semi-ligneux peuvent être utilisés, mais c’est surtout en hiver, sur du bois au repos, que le bouturage à bois sec donne de bons résultats. Cela demande plus de patience, car l’enracinement est lent, mais la satisfaction de voir repartir une nouvelle pousse au printemps est toujours au rendez-vous !

L’hélichryse italienne

Enfin, l’hélichryse italienne, aussi appelée immortelle, se bouture en été sur des rameaux semi-ligneux. Cette plante aime la chaleur et la lumière. Une fois enracinée, elle déploie son feuillage argenté et ses fleurs jaunes caractéristiques, qui conservent leur couleur même après séchage. Ses propriétés médicinales et cosmétiques en font une plante très recherchée.

Les conditions de réussite

La réussite d’un bouturage repose avant tout sur la régularité des soins. Le jardinier doit veiller à maintenir le substrat légèrement humide sans le détremper. La lumière doit être diffuse, et la chaleur douce. Les jeunes plants ne doivent pas être exposés à des écarts brutaux de température ni à un soleil direct trop intense. Les protections comme une cloche en plastique ou une mini-serre peuvent aider à maintenir une atmosphère favorable, à condition d’aérer régulièrement pour éviter les moisissures.

Des solutions naturelles existent pour stimuler l’enracinement. L’eau de saule, obtenue par macération de rameaux, ne contient pas d’auxines comme on le croit souvent, mais de la salicyline. Cette substance favorise la cicatrisation des plaies de coupe et protège les boutures contre les maladies. Elle ne fait pas pousser les racines directement, mais elle crée des conditions propices à leur apparition. D’autres plantes, comme la ronce, peuvent aussi servir de support pour préparer une eau riche en substances favorables au bouturage.

Patience et projet à long terme

Le bouturage est un travail de patience. Certaines boutures s’enracinent en quelques semaines, d’autres demandent plusieurs mois. Dans tous les cas, il faut attendre que les jeunes plants aient développé un système racinaire solide avant de les repiquer ou de les installer en pleine terre. Selon l’espèce, la plantation peut avoir lieu l’année même du bouturage, l’année suivante, ou parfois seulement après deux ans.

Au domaine des 1000 plantes, nous avons choisi d’inscrire ce travail dans un projet à long terme. Les boutures de verveine, lavande, sauge, romarin, hysope, rosiers et hélichryse que nous préparons aujourd’hui nous serviront que dans quelques années. Dans deux ans, elles habilleront nos jardins de leurs couleurs et de leurs parfums, et certaines seront également disponibles à la vente pour les visiteurs. Bouturer, c’est donc préparer l’avenir, en cultivant avec soin et en respectant le rythme des plantes.